Sur les réseaux sociaux, nous ne sommes pas en ligne

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Sur les réseaux sociaux, nous ne sommes pas en ligne. Notre marque l’est.

Sur les réseaux sociaux, nous ne sommes pas en ligne. Notre marque l’est. Un article de Rémi Abida, psychologue à Rennes. 

Les réseaux sociaux ont montré qu’ils pouvaient être utiles pour faire parler ou pour mobiliser autour de causes. Pour autant, ces réseaux ne sont pas tout à fait un espace d’échange entre personnes. Ils sont l’endroit où nos interventions sont offertes publiquement, et donc ouvertes à l’évaluation des autres personnes. Autres personnes qui sont d’ailleurs présentes, elles aussi en tant que leur propre marque.

Et plus vos publications sont ouvertes au tout venant, par exemple dans le cas d’un compte Twitter public, et plus c’est votre image marketing, votre personal branding, qui est en jeu. Public oblige, nous parlons davantage « en tant que notre marque » et pour le dire moins joliment, nous parlons surtout, pour nous-mêmes.

Les échanges sur ces réseaux sont comme les émissions de débat à la télévision : peu de réflexion commune s’y construit, mais plutôt une guerre des tranchées où chacun défend la position qu’il avait avant de venir sur le plateau. Logique me direz-vous, puisque si l’on vient sur un plateau, c’est bien en tant que quelque chose à représenter. Si le débat radicalise les positions, lorsqu’il se déroule sur une scène publique, c’est que les personnes y viennent pour défendre leur marque.

Ça peut paraître évident de dire cela, mais quand on voit que les critiques des réseaux sociaux ciblent le comportement des personnes uniquement, il est bon de rappeler que les règles du jeu contribuent aussi aux tensions visibles. Ce n’est pas seulement que les gens y sont malveillants, c’est aussi que les règles du jeu sont dédiées à ce marketing de soi, et s’opposent à la sincérité. 

Car lorsqu’on voit un intérêt à parler activement et publiquement à personne de précis, sur un réseau ouvert, et non dans le cadre d’échanges en groupe restreints, c’est que nous avons quelque chose à vendre entre guillemets. Et ce quelque chose est notre image de marque.

La manipulation consisterait à le cacher, à jouer la carte de la sincérité ou de l’accessibilité, dans un environnement où notre image est pourtant parfaitement contrôlée. L’humain ne parle pas à une foule indifférenciée de la même manière qu’en circonstance privée. S’imaginer le contraire ou le nier, empêche de voir les publications publiques pour ce qu’elles sont.

Les réseaux sociaux nous poussent à poser une ligne éditoriale à notre parole. Et de cela découle une rigidité, où chacun sent une responsabilité à incarner des idées, plus qu’une possibilité de les partager sans arrière-pensée. Pour garder l’exemple de Twitter, il en découle un côté ferme des positions, inopérant pour des échanges réels, car rapidement exagérément violents ou faussement amicaux.

Pour limiter son effet violent, Twitter fait fréquemment l’objet de débat concernant l’anonymat possible sur ce réseau. Le point espéré est évidemment de stopper les possibilités de harcèlement sur cette plateforme. Car la fin de l’anonymat empêcherait les gens de se représenter en tant que des marques fictives (sous forme de pseudo) et c’est alors obligatoirement leur prénom et nom de famille qui deviendrait leur marque sur le réseau. Certes, cela limiterait l’activité de ceux qui cherchent à représenter l’agressivité, le harcèlement ou le sans concession. Mais à quel prix ? Impossible de trancher en quelques mots ici, mais on peut parier sur une conséquence : un personnal branding, un marketing de soi encore plus systématique. Il existe après tout un équivalent non anonyme de Twitter depuis des années, où l’on y parle systématiquement en son nom et de manière publique pour attirer les regards des autres sur sa « marque ». Cela s’appelle Linkedin, et inutile de rappeler qu’il est devenu le symbole du réseau hypocrite par excellence.

Parce que sur Linkedin dans une plus grande mesure encore, vous n’êtes pas humainement en ligne. Votre marque l’est.

Rémi Abida, Psychologue Rennes ou Téléconsultation. 26 rue Poullain Duparc 35000 Rennes. Tel : 07 56 85 87 08