
Pourquoi ce goût pour l’apocalypse ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on vit une époque d’inspiration apocalyptique. Je m’amuse d’ailleurs à observer que dans les films depuis des années, lorsque le futur est évoqué, il s’agit surtout de futur où ça a mal tourné. On est loin de l’époque d’un retour vers le futur II, qui envisageait d’abord le futur comme un environnement où tout serait plus optimal.
S’il s’agit de réfléchir à pourquoi l’apocalypse nous fascine tant, je proposerai l’hypothèse suivante : l’attirance pour la vision apocalyptique est le point de rencontre entre trois choses.
Il y a d’une part, une expression narcissique. S’imaginer évoluer dans un monde dévasté, c’est imaginer le monde mourir avant soi. C’est imaginer une situation où notre survie devient plus importante que celle du monde, puisqu’il n’y a plus rien à sauver à part soi-même. Et puisqu’il faut tôt ou tard envisager sa propre mort, il est plus facile de voir du sens dans la mort de tout notre environnement, plutôt qu’un sens à notre seule mort, tandis que le monde tournerait encore bien sans nous. Ce narcissisme, c’est aussi celui d’imaginer manger dans un monde où personne ne le peut, de s’imaginer se mettre à l’abri dans un monde où les autres ne peuvent plus l’être.


L’apocalypse, c’est deuxièmement le cadre idéal pour s’imaginer en héros, en bienfaiteur, en résistant, en conquérant, tout ce qui pourrait contenter notre besoin de quête, notre recherche d’élan. Je dis cadre idéal, car l’espace de liberté extrême qu’offre un monde post-apo est des plus grands. Plus grand que dans d’autres scénarios comme des dictatures numériques ou des invasions par exemple. Non, dans un monde apocalyptique, on peut tout envoyer valser.
Et puis troisièmement, l’apocalypse attire l’attention, car il fait partie des cadres potentiellement réalistes dans lesquels projeter les deux points précédemment cités. Les connaissances sur l’état du monde laissent entrevoir de grandes problématiques émergentes. Quand il devient autant crédible que cela se passe bien que cela se passe mal, notre attention se dirige instinctivement vers quoi ? Et bien, elle se dirige vers ce qui risque de nous procurer le plus d’émotions. Et comme il n’y a pas de grand projet excitant pour le moment à évoquer lorsque l’on évoque l’avenir, spontanément l’émotion est encore du côté d’un déclin.
On comprendra alors pourquoi il existe des personnes qui collectionnent les boites de conserve, avec une grande satisfaction. R.
Psychologue à Rennes. Prise de contact sur remiabida@psyacp.fr ou sur Discord sur remiabida#6052